À la fin de la Première Guerre mondiale, le monde devait être réorganisé. Les puissances victorieuses ont imposé une série de traités et d’accords — Versailles, Sèvres, Sykes-Picot — censés résoudre les problèmes géopolitiques et éviter de nouveaux conflits. Mais un siècle plus tard, ces décisions continuent de façonner les crises actuelles : tensions confessionnelles, guerres civiles, déplacement de populations, et injustices flagrantes. Ces traités et accords, empreints d’impérialisme et de colonialisme, n’ont pas seulement échoué à pacifier le monde ; ils ont jeté les bases de nombreux conflits que nous connaissons aujourd’hui.
Le traité de Versailles (1919) visait à punir l’Allemagne pour son rôle dans la Première Guerre mondiale. Lourdement sanctionnée sur les plans économique et militaire, l’Allemagne s’est vue imposer des réparations écrasantes. À court terme, cela semblait garantir la stabilité européenne, mais à long terme, cela a alimenté un profond ressentiment. Ce traité a indirectement mené à la montée du nazisme et à la Seconde Guerre mondiale.
Parallèlement, des nations comme les pays arabes ou les peuples colonisés en Asie et en Afrique, qui espéraient des droits nouveaux après avoir contribué à l’effort de guerre, ont été totalement ignorées. Cela a accentué leur sentiment de trahison.
Le traité de Sèvres (1920) visait à décomposer l’Empire ottoman pour redistribuer ses territoires entre les puissances victorieuses, tout en promettant une autonomie ou une indépendance à certaines minorités (comme les Kurdes et les Arméniens). Cependant, ces promesses ont rapidement été abandonnées sous la pression de nouveaux rapports de force géopolitiques.
La Turquie moderne, sous Mustafa Kemal Atatürk, a rejeté ce traité, et les aspirations des Kurdes et des Arméniens ont été sacrifiées. Ce refus de reconnaître les droits des peuples a laissé des blessures ouvertes, alimentant des luttes qui persistent aujourd’hui.
Signés en secret en 1916 entre la France et le Royaume-Uni, les accords Sykes-Picot avaient pour objectif de diviser les territoires arabes du Moyen-Orient en zones d’influence coloniale. Ces frontières tracées à la règle ne tenaient aucun compte des réalités ethniques, religieuses ou culturelles des populations locales.
Le Moyen-Orient a ainsi hérité de frontières artificielles qui exacerbent les divisions. Sunnites et chiites, Arabes et Kurdes, populations chrétiennes ou juives : aucune de ces communautés n’a été consultée. Ce découpage arbitraire est à l’origine des guerres civiles et des conflits interethniques dans des pays comme la Syrie, l’Irak ou le Liban.
Le conflit israélo-palestinien est l’une des crises les plus emblématiques de l’héritage des décisions coloniales de l’après-Première Guerre mondiale. La Déclaration Balfour de 1917 promettait un “foyer national pour le peuple juif” en Palestine, mais cette promesse s’est faite au détriment des populations palestiniennes arabes locales, sans consultation ni reconnaissance de leurs droits.
Après la Seconde Guerre mondiale, le plan de partage proposé par l’ONU en 1947, censé créer deux États, n’a jamais été mis en œuvre. Israël a vu le jour en 1948, mais cet événement a entraîné l’exode massif de Palestiniens (Nakba), un point de fracture qui reste au cœur des tensions actuelles. Depuis, les cycles de violence et les guerres ont alimenté d’énormes injustices : occupation, blocus, et déplacements forcés.
Les conséquences humanitaires sont immenses : des millions de réfugiés palestiniens vivent dans des camps au Moyen-Orient, notamment au Liban, en Syrie et en Jordanie. Ce conflit, loin d’être local, a des répercussions mondiales, nourrissant tensions géopolitiques, discours polarisants, et extrémismes.
Le Liban est un cas emblématique de l’héritage colonial. Après le démantèlement de l’Empire ottoman, la France a imposé un mandat sur ce territoire, créant un système politique confessionnel qui répartissait le pouvoir entre les différentes communautés religieuses. Si ce système visait à garantir une coexistence pacifique, il a au contraire figé les divisions confessionnelles et renforcé les rivalités politiques.
Ces tensions confessionnelles ont été exacerbées par la rivalité entre sunnites et chiites, souvent alimentée par des puissances étrangères. Le Hezbollah, une milice chiite soutenue par l’Iran, joue un rôle clé dans le paysage politique libanais, tandis que des partis sunnites bénéficient du soutien de pays comme l’Arabie saoudite. Ces influences extérieures ont transformé le Liban en terrain d’affrontement indirect entre puissances régionales.
Aujourd’hui, le Liban fait face à des défis multiples : une économie en faillite, une corruption endémique, et le poids de l’accueil de millions de réfugiés palestiniens et syriens. La double explosion du port de Beyrouth en 2020 a révélé l’ampleur de l’effondrement de l’État, poussant la population à réclamer des réformes profondes et une stabilité durable.
Les frontières artificielles et conflits hérités des traités post-Première Guerre mondiale ont engendré des crises humanitaires majeures :
- Réfugiés palestiniens : Près de 6 millions vivent dans des camps, souvent dans des conditions indignes, privés de tout avenir stable.
- Réfugiés syriens : Plus de 13 millions de Syriens ont été déplacés par la guerre, subissant des privations extrêmes dans des pays déjà fragilisés comme le Liban.
- Minorités marginalisées : Les Kurdes et les chrétiens d’Orient font face à des violences, des discriminations, et l’exil forcé.
Derrière ces chiffres se cachent des générations sacrifiées, une insécurité régionale croissante, et une humanité en souffrance. Ces crises ne sont pas locales : elles affectent le monde entier.
Les traités et accords post-Première Guerre mondiale, comme Sykes-Picot ou Sèvres, avaient un objectif affiché : stabiliser la région et promouvoir la paix. Mais en réalité, ils servaient avant tout les intérêts des puissances coloniales. La priorité n’était pas la justice pour les peuples locaux, mais le contrôle stratégique des territoires et de leurs ressources.
Cette logique impérialiste a laissé derrière elle des frontières artificielles, des tensions intercommunautaires, et des injustices systémiques. Les divisions religieuses et ethniques, parfois instrumentalisées pour “diviser pour mieux régner”, continuent de fragiliser les États concernés.
L’héritage des traités de Versailles, de Sèvres et des accords Sykes-Picot montre que des décisions imposées sans consultation des peuples peuvent engendrer des décennies de conflits et de souffrances. Ces erreurs continuent de façonner les crises actuelles : guerres, déplacements massifs, et injustices profondes.
Mais ce passé doit nous servir de leçon. Pour bâtir un avenir plus stable, il est essentiel de reconnaître ces injustices historiques et de favoriser des approches inclusives. Cela implique de placer les droits humains, la justice, et la diplomatie au cœur des décisions internationales, tout en soutenant des solutions locales adaptées aux réalités du terrain.
L’Histoire nous enseigne qu’ignorer les aspirations des peuples mène à la catastrophe. Aujourd’hui, nous avons la responsabilité d’agir autrement : en écoutant, en réparant, et en construisant des ponts plutôt que des murs.
Al Insan
La voix de ceux qui n’en ont pas
ONG humanitaire spécialisée dans l’aide d’urgence.